« Au cours du conflit géorgien, j’ai été impressionné par la qualité de travail qu’accomplit le Président Sarkozy. Il a réalisé le maximum de ce que l’Europe et la France pouvait faire…Dans le même temps, le traitement de cette affaire dans les médias européens a été déplorable et complètement subjectif. Ce comportement est tout à fait révoltant et a beaucoup nui à l’image de l’Europe en Russie. Conséquence : l’image de marque de l’Europe s’est sensiblement dégradée aux yeux du peuple russe, mais aussi d’une partie des élites. Or, c’est très dangereux. En effet, tout au long de son histoire, la Russie a toujours progressé en regardant vers l’Europe. S’en détourner serait catastrophique, mais avouez que les Européens ne nous donnent guère de raisons, en ce moment, de vouloir nous rapprocher d’eux !
Et au-delà de ce désaccord, vous estimez donc que la Russie et l’Union Européenne ont de nombreux intérêts communs : tout à fait, si nous agissons en fonction de nos intérêts, et non en fonction d’énervement passager, nous devons travailler la main dans la main. Ce qui nous rapproche est beaucoup plus fort que ce qui nous sépare. C’est pourquoi les Etats-Unis ne souhaitent pas un rapprochement entre la Russie et l’Europe. Washington fait tout pour affaiblir aussi bien la Russie que l’Europe. C’est d’ailleurs dans ce but que les Américains soutenus par les Britanniques, lesquels n’ont jamais voulu d’une Europe puissante, ont milité en faveur de l’élargissement de l’Union Européenne aux pays de l’Europe de l’Est. A présent, à cause de cet élargissement, l’Europe est ingouvernable. Quant à sa défense, elle demeure une prérogative de l’OTAN. Résultat : elle est aujourd’hui bien moins influente dans le monde qu’elle était encore à la fin des années 1980. La seule solution pour elle est de s’allier à la Russie. Pour la Russie, l’Europe a toujours été un facteur de modernisation. C’est de ce point de vue qu’elle nous est indispensable. On insiste souvent sur le fait que c’est à l’Europe que nous vendons la majeure partie de notre pétrole et de gaz, mais les capitaux soyez-en certains, nous pouvons les trouver ailleurs sur le marché mondial. De même nous pouvons avoir accès à n’importe quelle technologie autrement que par l’intermédiaire de l’Union Européenne. En revanche, l’influence culturelle, politique et morale de l’Europe quel que soit l’hypocrisie dont elle a récemment fait preuve à notre égard, est irremplaçable pour le développement de la Russie. Voilà prêt de 300 ans que l’Europe est une phare pour la Russie, et que la partie la plus progressiste de notre société souhaite « vivre comme en Europe » à savoir : vivre plus librement dans un plus grand confort et en respectant des règles claires… Car la corruption, c’est le problème numéro un dans notre pays. Si je devais citer les trois principaux problèmes auxquels la Russie est confrontée, je citerai la corruption en premier, en deuxième et en troisième position ! La corruption transperce toutes les strates de la société : les hauts fonctionnaires, les autorités locales, les chefs d’entreprise, aucune catégorie n’y échappe, elle est devenue un mode de vie. Elle ralentit terriblement le développement de la société et la croissance économique, et elle pourrit progressivement le pays.
On dit souvent que la Russie est depuis quelques années en proie à une « re-soviétisation » ? Et Vladimir Poutine a même déclaré que « l’effondrement de l’URSS a été la pire catastrophe géopolitique du XXème siècle ». Il faut bien comprendre que le pays est en train de reconstruire son identité ; alors bien sûr il prend dans son passé soviétique des éléments que l’on peut juger positif, mais il puise tout autant voir plus dans un passé plus lointain celui de la Russie impériale, voir de la Russie d’avant le tsar. Il semble que la vie politique soit mise par Vladimir Poutine « sous tutelle » et ce n’est pas sans rappeler celle du parti communiste de son temps… ! Cette évolution n’est très saine, si les choses ne changent pas rapidement, le pays est condamné à vivre sous le joug d’un système autoritaire. Actuellement, il est évident que nous n’avons pas un système de parti normal. C’est même plutôt une parodie. »