« Ardent défenseur de la Vème République, Pierre Mazeaud, à l’occasion d’un colloque organisé au Sénat en partenariat avec le Comité d’Histoire parlementaire et politique « la Vème République au Parlement », s’est laissé aller à quelques confidences. Tout d’abord, selon l’ancien président du Conseil constitutionnel, la Constitution a été trop souvent modifiée. La première modification, en 1962, la plus lourde, consacre l’élection du président de la République au suffrage universel. Pierre Mazeaud, sceptique quant à cette réforme, fut « envoyé » par Michel Debré expliquer au général de Gaulle ce que pensait la jeunesse. Il en profita pour lui faire part de ses doutes, et s’entendit répondre : « Mon cher Mazeaud, c’est décidé ! ». La deuxième grande réforme constitutionnelle est celle de 1974 sur le Conseil constitutionnel. La grande modification que Pierre Mazeaud approuvée, a permis à soixante députés ou sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel. Un peu plus de trente plus tard, Pierre Mazeaud estime qu’il y a des « débordements » et dénonce les saisines systématiques. Troisième modification, en 1992, sur la construction européenne. L’auteur de l’article 88.4 première mouture estimait « inadmissible que Bruxelles puisse pondre des règlements sans même que le Parlement français ait eu connaissance de ces projets de directive » ! S’il estime avoir rendu service au Parlement, Pierre Mazeaud est bien obligé& de constater que son article a été depuis modifié de nombreuses fois, et qu’une grande partie de notre législation vient de Bruxelles.(…) »
« En 1993, le Conseil constitutionnel a rendu une décision contre une disposition législative relative au droit d’asile en considérant que la disposition législative était contraire à la Constitution, et le Premier ministre a alors modifié la Constitution. Pierre Mazeaud s’y est opposé : « Si, à chaque décision du Conseil constitutionnel, vous changez la Constitution, de deux choses l’une : soit vous supprimez le Conseil constitutionnel et on n’en parle plus, soit on en arrive à une Constitution de 500 pages et de 2 000 articles ! Si, à chaque fois que le Conseil rend une décision, il faut aller à Versailles pour modifier la Constitution, il faut être sérieux ! » Le Premier ministre de l’époque, Edouard Balladur n’était pas content du tout ! En 1995 il y eu deux grandes révisions constitutionnelles. La première sur l’extension du champ du référendum. La seconde sur la session unique. « Mal à l’aise pour en parler », Pierre Mazeaud était alors rapporteur. Il maintient que c’était une erreur, et ajoute, contrit : « excusez-moi, on peut parfois se tromper ». L’ancien député dénonce l’urgence dans laquelle les parlementaires sont contraints de voter les lois. Ils n’ont plus le temps de lire les textes. Il raille aussi l’inflation législative : « pour se faire connaître, le mieux pour un jeune ministre est d’avoir un texte qui porte son nom » !
Pêle-mêle, Pierre Mazeaud évoque les réformes suivants : 1996 avec l’article 47.1 relatif au vote de la loi de financement de la sécurité sociale ; 1998 et la Nouvelle-Calédonie ; 1999, la Cour pénale internationale. Pour s’arrêter à la réforme de 2000 qui a concerné les articles 3 et 4 de la Constitution sur l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions électives. Pas emballé, là non plus, Pierre Mazeaud s’inquiète du risque de « communautarisme ». Concernant le quinquennat, auquel Pierre Mazeaud s’est opposé, il raconte en être « presque venu aux mains » avec Jacques Chirac ! Enfin, la modification de 2003 sur la décentralisation. Cela fait 25 ans que Pierre Mazeaud milite pour la suppression du département, aussi est-il « content de voir que l’on y réfléchit ». En guise de conclusion, un avertissement : la Constitution est inscrite dans le marbre, il ne faut donc la changer qu’après « beaucoup de réflexions ». Bien qu’ayant été vice-président du comité Balladur, Pierre Mazeaud appelle le Parlement à faire attention aux modifications proposées qui pourraient bien changer les choses plus profondément que ne le souhaite le législateur ! »