Le Forum qui les a réunis au Vatican ouvre la voie à une collaboration active et inédite Selon Jean-Marie GUENOIS « UN ECHEC transformé en réussite. Les quinze points de la déclaration finale, publiée hier à Rome en conclusion du 1er Forum catholique-musulman, marquent un tournant dans l’histoire de ces deux religions. Non seulement la crise ouverte en septembre 2006 avec l’Islam par Benoît XVI lors de son discours de Ratisbonne paraît close, mais une voie de collaboration active et inédite veut désormais s’ouvrir. La décision la plus immédiate est de créer un « comité catholique-musulman permanent » à l’échelon mondial. Restent à voir les conditions de son organisation, mais le principe de « coordonner des réponses à des conflits et à des situations d’urgence » est acquis. Le comité pourrait se réunir tous les deux ans, en alternance, en Occident et dans un pays à majorité musulmane. Plusieurs autres engagements ont été annoncés. Le plus spectaculaire est celui de la liberté de conscience et religieuse, loin d’être acquise dans l’Islam : « Un véritable amour du prochain », note la déclaration finale, « implique le respect de la personne et de ses choix en matière de conscience et de religion. Il inclut le droit de pratiquer sa religion en privé et en public ».(…)
Engagements : « Le texte milite pour le rejet de la violence par « la renonciation à toute oppression, violence agressive, terrorisme, spécialement commis au nom d’une religion ». La déclaration touche aussi la question de la femme en insistant sur la défense « de la dignité et du respect sur une base égale tant pour l’homme que pour la femme ». Capitale enfin, pour les chrétiens du Proche-Orient, la déclaration prône le respect des « minorités religieuses (…) dans leurs propres convictions religieuses et dans leur pratique ». D’autres engagements sont confirmés, comme celui de « la défense de la dimension transcendantale de la vie, par une spiritualité nourrie de prière dans un monde de plus en plus sécularisé et matérialisé » ou celui de la défense de la vie humaine, « préservée et honorée à touts ses étapes ». Sans oublier la volonté de travailler « à un système financier éthique où les systèmes de régulation prennent en compte les pauvres et les désavantagés ». Une liste de bonnes intentions ? Il semble que non en raison de la qualité même de cette rencontre, placée sous la responsabilité du cardinal français Jean-Louis Tauran, président du conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Plusieurs des 50 participants qui ont travaillé deux jours à huis clos avant d’être reçus hier par Benoît XVI, se félicitent de « la franchise » des débats. « Tout a été mis sur la table », affirme un représentant catholique. « C’est la conséquence de l’ébranlement » suscité par l’affaire de Ratisbonne, estime Tariq Ramadan. Cette crise a fini par décomplexer la critique et libérer le débat. En saluant les délégations, Benoît XVI a estimé qu’elles n’étaient pas « un petit groupe d’experts », car, en pointant « les différentes approches dans la façon d’envisager Dieu », ses travaux montrent « que nous nous considérons comme membres d’une seule famille ». C’est, pour le Pape, « un premier pas » en vue de « résoudre et dépasser les préjudices du passé et corriger les images souvent déformées de l’autre qui peuvent créer aujourd’hui encore des difficultés dans nos relations ».
Par Jean-Marie GUENOIS In Le Figaro du 7 novembre 2008