Selon Yves de Kerdel « Ce débat crucial sur les OGM est l’un des sujets les plus importants dans l’avenir de la planète, surtout à un moment où le monde entier est confronté à une crise des matières premières agricoles. Et tout le problème de la société française, et de nos gouvernants, c’est qu’ils ont fait des OGM non pas un sujet économique mais un sujet politique. Pour la simple raison que les implications sanitaires sont très fortes auprès des Français. Et qu’auprès des politiques, elles leur rappellent les précédents du sang contaminé ou de la vache folle. Si ces deux affaires n’avaient jamais existé, on peut penser que le peu de raison cartésienne qui subsiste dans l’Hexagone aurait permis de laisser les OGM au catalogue des questions économiques. (…) »
« Car de quoi s’agit-il ? La question est de savoir comment demain, ou par exemple en 2025, lorsque la population du globe comptera 8 milliards d’individus, il sera possible d’assurer leur alimentation, avec moins d’eau, moins de terres cultivées, plus d’espace rural consacré aux biocarburants et une demande de produits plus sophistiqués en termes de résistances aux changements climatiques. Cette question mérite d’être posée. Surtout lorsque l’on sait qu’en 2025, 2,8 milliards d’humains vivront dans des régions affectées par la pénurie d’eau, et qu’en Chine, principal acheteur de matières agricoles, 10 millions d’hectares de terres arables auront disparu. On a beau tourner autour du pot : force est de reconnaître aujourd’hui que le seul moyen d’élever fortement les rendements agricoles, de lutter contre les pesticides, et de cultiver avec moins d’eau, nécessite l’utilisation intensive des OGM. Et ceux auxquels le gouvernement fait croire que les OGM contournent déjà l’Hexagone comme il se disait que le nuage de Tchernobyl s’arrêtait à nos frontières en sont pour leur frais. Remarquons tout de même que la plupart des aliments donnés au bétail en France sont composés d’OGM… Au moment où le monde entier est frappé par une crise sans précédent sur les matières premières agricoles, avec des hausses de 40% en 2007, selon la FAO, et une tendance qui s’amplifie à travers notamment un prix de blé au pus haut depuis une génération, on mesure à quel point cette question des OGM n’est pas une question politique, mais un sujet économique. Bien sûr, il y a des interférences en matière de santé ou de sécurité alimentaire. Mais l’agriculture est une création de richesse comme une autre, surtout avec la réforme annoncée de la politique agricole commune. Avec des contraintes très fortes d’offre et de demande, qu’il faut expliquer aux Français, pendant que dans certains pays des émeutes interviennent et que des morts tombent du fait de la pénurie de céréales. »
In Le Figaro, le 15 avril 2008, by Yves de Kerdel