Selon Alexandre Adier, « Le nouveau Moyen-Orient ». Cet Orient là, qui n’était que la combinaison des idées fausses de quelques intellectuels américains, et des habiletés du dissident chiite irakien, Ahmed Chalabi : un nouvel Orient émerge. Pour le comprendre, il faut tout d’abord remonter en 1918, lorsque les identités nationales, dans l’Orient musulman, se sont recomposées autour d’un concept ethnolinguistique cher à l’Europe. Désormais, il y aurait, selon le vœu du célèbre poète kémaliste, Gökalp, des Turcs ne parlant que turc, des Iraniens, tous persanophones et des Arabes dont la seule langue serait l’arabe. » (…)
« Quant aux Kurdes, divisés entre une majorité vivant en Turquie et de subsanstielles communautés en Iran et en Irak, ils n’ont jamais pu instaurer leur propre Etat-nation et ont presque renoncé à le faire demain, tant leur symbiose, avec l’environnement turc en particulier, est maintenant poussée. Mais il n’empêche que, pour l’essentiel, des nationalismes laïques avaient relativisé la vieille identité transnationale musulmane au profit d’une modernité calquée sur celle de l’Europe. Or, le modèle vient de se rompre. Le nouvel Irak, dominé par les chiites devient l’allié, votre protégé, de l’Iran. Quant aux leaders du Hezbollah libanais, ils se considèrent comme des citoyens iraniens à part entière, et réciproquement. Ce brutal arasement de la frontière arabo-persane au profit de l’identité chiite ne pouvait qu’entraîner une réaction inverse : en Syrien la majorité arabe et sunnite allait se retourner elle aussi contre l’alliance stratégique du régime de Damas avec l’Iran. Il existait cependant une seconde solution, bien meilleure à tous égards : la carte turque. Un autre bloc du nationalisme arabe vient de basculer, symétriquement et contradictoirement à l’Irak, vers le monde turc, en reconstituant un élément majeur de l’espace ottoman. La minorité alaouite, qui dirige la Syrie, a de nombreux points d’appui et de correspondance avec la géographie religieuse de la Turquie moderne. Les Turques ont eu le génie de pousser les deux ennemis à la réconciliation sous leur égide. Voici pourquoi Bachar al-Assad a pu changer son fusil d’épaule et se retrouvera sur la tribune du 14 juillet, succès véritable de la diplomatie française. »
In, Le Figaro, 28 juin 2008, by Alexandre Adier