C’est un mot barbare, tout droit venu du vocabulaire des gestionnaires anglo-saxons. C’est un mot peu ou pas utilisé dans la langue française, mais qui désigne une qualité jugée essentielle au Etats-Unis; la faculté de faire ce qu’on dit, et de dire ce qu’on fait. Faculté essentielle à l’art de diriger les entreprises ou les sociétés, faculté critique du dirigeant, faculté vitale surtout en ces temps où le marketing et la communication tendent à s’emparer de l’information, à en faire leur matière première, à la transformer, à la modeler à leurs fins, de sorte qu’à ce jeu, les ventes augmentent, l’information se perd – et qui ose encore parler de vérité ?
Au cours de ces cinq dernières années, la complexité foisonnante des instruments financiers a fait oublier le lien obligé entre l’information, le risque et l’argent. Tout s’est passé comme si la banque n’avait pas à évaluer le risque, puisque des mécanismes, nommés titrisation, étaient là pour le diviser à l’infini, le rendre infime, et le faire porter par d’autres. Et tout s’est passé comme si les marchés devenaient une gigantesque machine à laver le risque, à le faire oublier et à le masquer. Il est facile de dire aujourd’hui que les banques n’ont pas fait leur métier. Il est plus exigeant de se rappeler que tout le monde, à commencer par le consommateur surendetté et le propriétaire comblé, a béni un système fondé sur cet acte de foi; les arbres peuvent monter jusqu’au ciel, et la croissance sans limites noiera tous les risques ! Il est vain d’ajouter des lois aux lois et des règlements aux règlements. La seule parade efficace dans le temps réside dans l’exigence du client, de l’investisseur, de l’épargnant, de l’assuré. Et elle consiste à exiger de ses prestataires que sont le banquier, l’assureur, le gérant, la preuve de cette qualité perdue : l’assertivité. Qu’ils soient capables d’expliquer ce qu’ils font. Qu’ils puissent tout dire des produits proposés, des éléments qui les composent, des risques qu’ils entraînent, des arbitrages qu’ils supposent, et des frais qu’ils comportent. Et qu’ils placent chacune, chacun, dans la situation de comprendre, de débattre, et en définitive, de choisir. Car la vertu de l’assertivité en matière de politique des risques est considérable; en disant ce qui est, ce qui est fait et ce qui est choisi, elle associe.
In AGIPI références, juin 2008, by Hervé Juvin