La société française entretient avec la technologie des relations de plus en plus complexes, voire paradoxales, oscillant selon les cas entre méfiance systématique et acceptation sans réserve.
Comment expliquer par exemple que la majorité des personnes craignent beaucoup plus les technologies qui, statistiquement, sont moins dangereuses (comme l’avion) que celles qui génèrent plus d’accidents (comme la voiture) ? c’est ce qu’étudie ici Daniel Boy, qui explique que l’on redoute logiquement plus un risque effrayant, inconnu et auquel on ne peut échapper. La perception du risque sera aussi plus grande pour les technologies mal comprises, non contrôlables et susceptibles d’entraîner un grand nombre de décès groupés dans le temps et l’espace.
L’auteur souligne la particularité des risques réalisés (dont on connaît plus ou moins les risques en termes de morbidité), souvent moins redoutés que les risques non réalisés (qui laissent imaginer le pire). Il apparaît aussi que, pour les profanes, il n’existe guère de vraie différence entre quantité négligeable et dose dangereuse, autrement dit, la définition de seuils maximums (pour les pesticides, par exemple) ne modifie pas fondamentalement la perception du risque.
Daniel Boy met aussi en avant le lien entre le politique et perception du risque : plus les individus se sentent éloignés du monde politique, plus ils sont sensibles aux risques. Par ailleurs, les femmes expriment généralement plus que les hommes leur inquiétude à l’égard des risques technologiques alors que les jeunes (18-24 ans) semblent ressentir moins de craintes par rapport à ces risques.
Daniel Boy minimise fortement le rôle qu’auraient les médias dans la constitution d’une opinion publique très méfiante envers la technologie et ses risques. Il propose aussi une analyse du rôle et de la place des « savants », et une réflexion plus générale sur la confiance en la société ainsi que sur le lien entre risque et bonheur.
In Futuribles, by Cécile Désaunay, septembre 2008