Dès lors, on sait qu’on ne sait pas si la crise financière déchaînera une crise économique. Simultanément, l’économie mondiale signe une cinquième année de croissance historique(2007). Tandis que Wall Street et les Bourses européennes terminent une année rouge ou blanche, l’Asie brille d’un vert éclatant.
Car elles seront glorieuses, ces Trente globales qui propulsent pour plusieurs décennies l’économie mondiale à un rythme encore jamais vu. Car le monde émergent, de cerise sur le gâteau en devient lui-même une sacrée tranche en assurant les deux tiers de la croissance mondiale. C’est la première crise globale, qui réclame les premières solutions globales, dans le premier cycle long de la croissance globale. Le monde découvre cahin-caha les règles de fonctionnement de la globalisation. Tout événement particulier, comme la pièce du puzzle, doit être replacé dans le contexte de la mondialisation dont on cherche maladroitement à deviner les contours. Et d’un. L’hyper croissance mondiale entraîne une forte hausse du coût des produits de base (pétrole, gaz, métaux, produits alimentaires,…) ; mais le surplus considérable de main d’œuvre très bon marché des pays émergents coiffe les salaires, soumis désormais à la concurrence internationale, et enraye la spirale inflationniste mondiale. Les marchés de taux ne croient d’ailleurs pas à l’inflation, et ils ont très probablement raison. Or, ce fut toujours l’inflation qui sonna le tocsin de la croissance. Et de deux. Les circuits de l’argent global empruntent des labyrinthes inexplorés. Les excédents des pays exportateurs de produits de base et de main d’œuvre à bas coût ont été recyclés vers le pays déficitaires, surtout les Etats-Unis. Et de trois. Il n’y a aucun précédent à l’imbroglio mondial des changes qui, par miracle, n’a nullement affecté jusqu’ici l’hyper croissance mondiale.
Donc notre flamboyant euro reste seul candidat à la hausse, malgré l’esthétique économique européenne seul candidat à la hausse, malgré l’asthénie économique européenne. Si 2008 est incertain, les années qui suivront paraissent assez limpides. Les boussoles s’affolent aujourd’hui, mais pour demain elles indiquent la direction sans hésitation : celle d’une longue et forte croissance mondiale tirée par l’Asie. Bien sûr, le ralentissement du Nord influencera fatalement les économies du Sud. Il aura fallu du temps pour que les Etats-Unis surpassent la « vielle Europe », et celle-ci n’y a rien perdu lorsque ce fut le cas. Il en faudra aussi pour que le centre de gravité de la planète change à nouveau de continent. Mais le mouvement clairement engagé, plus rapide que ne le dit le consensus, et plus profitable à tous que ne cherchent à le faire croire les perdants et les frileux, qu’il faut assister, mais pas écouter. Car la vraie menace de désastre mondial serait le réveil du protectionnisme sous toutes ses formes. C’est la leçon qu’il faut tirer de la crise de 1929 et des drames qui l’ont suivie. Lorsqu’on observe le pragmatisme actuel de Wall Street à l’égard des fonds souverains, on se prend à espérer en un avenir très brillant pour la planète entière, que les turbulences probables des prochains mois ne sauraient gâcher pour qui sait déchiffrer les hiéroglyphes des débuts de l’ère globale.
In Le Figaro, le 22/01/2008, par Michel Cicurel