Plus la mondialisation s’accélère, plus l’ordre mondial se divise. Plus l’ordre mondial est divisé, plus chaque nation, pour continuer de peser, doit conforter son unité. De tous les membres de l’Union européenne, la France centralisée est celui qui a été le plus secoué par le choc de la mondialisation. Elle est menacée à la fois par l’émiettement et le nationalisme, l’un se nourrissant de l’autre. Entre ces deux pôles, ses institutions lui ont permis de trouver un équilibre. Ce n’est pas le moment d’y introduire une rupture.
Or, la procédure de révision constitutionnelle dans laquelle le nouveau pouvoir s’est engagé risque de déchirer cet équilibre. Le renforcement de l’initiative parlementaire est donc souhaitable.
On éprouve d’autant plus d’accablement devant la légèreté avec laquelle le projet en cours multiplie les brèches dans cet édifice. Voici l’obligation de parité hommes-femmes dans les fonctions électives étendues aux activités professionnelles et sociales, confortent ainsi, dans notre charte, l’affirmation d’un lien entre un statut juridique et une condition biologique. Voici que d’autres valeurs de groupes, telles que la diversités ou la défense et illustration des langues régionales, sont affirmées comme autant de droits opposables, dès lors qu’ils sont inscrits dans la Constitution.
Le 20 mai dernier, à Orléans, un discours du chef de l’Etat annonçait l’introduction imminente des « grands courants spirituels » de la nation au sein du Conseil économique, social « et environnemental », comme si les courants avaient à défendre des intérêts publics. Ni la nation ni le citoyen n’ont à y gagner. Le déchirement du droit en une multiplicité de normes par la meute des revendications de droits, la confusion entre l’espace public et la sphère privée, et l’émiettement du corps social sont autant de régressions de l’esprit de liberté, à la faveur desquelles l’Etat pourra continuer à étendre son pouvoir de contrôle, sans rencontrer de limites ni de résistance.
In Le Figaro Magazine, 7 juin 2008, by Alain-Gérard Slama