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Ruptures en chaîne

L’année 2007 fut placée sous le signe des ruptures, exemplaire de la dynamique de la mondialisation qui structure le XXIe siècle et qui est écartelée entre l’universalisation du marché et des technologies, d’une part, l’hétérogénéité des valeurs et l’exacerbation des identités, d’autre part. Depuis le XVIIe siècle, l’Occident a disposé d’un monopole sur les idéologies, les systèmes politiques, les organisations économiques et les technologies. Ce cycle historique prend fin et 2007 a multiplié les signes de ce basculement. Les Etats-Unis ont troqué leur statut d’hyperpuissance pour celui de grande puissance relative, confrontée comme les années 70 à une triple crise : diplomatique et stratégique, économique, politique et morale. Concurrence de puissance cultivant dictature et nationalisme, déchaînement de violence et de haine dans le monde arabo-musulman. Renouveau des utopies, des populismes et des régimes autoritaires hostiles au marché, avec pour symbole l’Amérique latine, partagée entre les modérés, rangés sous la bannière du Brésil de Lula, et le néocastrisme des émules de Chavez. Le capitalisme continue à prospérer mais le marché et la démocratie sont sur la défensive.

Ruptures dans la mondialisation : au plan conjoncturel, la crise de liquidité de l’été 2007 s’est étendue des Etats-Unis au Japon et à l’Europe et contaminera les pays émergents. 2008 verra une forte dégradation de l’activité économique sur fond de regain des tensions inflationnistes. Au plan structurel, le Sud poursuit sa percée, car sa croissance, même ralentie, restera nettement supérieur à celle du Nord. Le capitalisme mondialisé vire au Sud.

Ruptures européennes : même la paisible Europe est rattrapée par les secousses du monde. En bien, lorsqu’elle s’efforce de rompre sa léthargie et de remettre l’Union en ordre de marche avec la signature du traité de Lisbonne, ou lorsqu’elle commence à rattraper le formidable retard de productivité accumulé vis-à-vis des Etats-Unis. En mal, lorsque la frénésie des revendications identitaires et régionales prive la Belgique de gouvernement, ou lorsque gouvernements et banques centrales cultivent l’illusion d’un découpage de la crise mondiale.

Rupture en France : En 2007, l’élection de Nicolas Sarkozy a marqué la fin du cycle post-gaulliste. Sous ce changement pointe une modification en profondeur du rapport des Français à la politique, moins mystique et plus rationnel, moins émotionnel et plus responsable. Avec pour pivots une évolution des mentalités envers le travail et la production, l’Etat et les services publics. Du côté des pouvoirs publics, 2007 fut l’année du lancement des réformes autour de trois axes : au plan diplomatique, au plan institutionnel, au plan économique et social.

La rupture a été lancée en 2007 ; elle doit être réalisée en 2008. Clarifier, ainsi, la stratégie de politique économique en réduisant les dépenses publiques, en renforçant la concurrence et en libéralisant le marché du travail. Expliquer le changement aux Français, afin de gérer politiquement l’écart entre la mise en place des réformes et l’obtention des résultats. Jouer sur les règles mais aussi sur les valeurs et les mœurs. Depuis 2007, la France est à nouveau présidée, à partir de 2008, elle doit être à nouveau gouvernée.

Source Le Point,
décembre 2007,
par Nicolas Baverez

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