Les groupes arrivent à pousser le chiffre d’affaires de leurs médicaments en leur découvrant de nouvelles indications thérapeutiques.
IRRITEE avant vos règles ? Prenez du Prozac ! Perclus de TOC ? Vous pouvez aussi prendre du Prozac ! La pilule miracle de Pfizer lancée en 1987 contre les troubles dépressifs majeurs peut être prescrite dans pas moins de cinq « maladies ». Et ce n’est pas la seule. Depuis une dizaine d’années, les laboratoires pharmaceutiques ont affiné la gestion du cycle de vie (life cycle management) de leurs molécules. Leur but est, bien sûr, d’accroître le marché potentiel de chaque médicament avec à la clé la possibilité d’en faire un blockbuster, c’est-à-dire un médicament réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à un milliard de dollars.
Dans la plupart des cas, les laboratoires découvrent eux-mêmes de nouvelles aires thérapeutiques pour leur médicament. Le viagra utilisé dans les troubles de l’érection a ensuite été préconisé dans l’hypertension artérielle pulmonaire. Les médecins ou les organismes de recherche ont aussi des intuitions qui les poussent à tester les médicaments pour d’autres affections que celles prévues par le laboratoire.
« Les laboratoires essayent de presser au maximum chacune de leurs molécules pour rentabiliser leurs efforts de R&D », dit Jennifer Moniz Carpenter *. Pfizer met ainsi tout en œuvre pour trouver de nouvelles indications à son médicament vedette contre le cholestérol, le Lipitor, avant l’expiration du brevet en novembre 2011. En 2006, le Lipitor a représenté 13,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit 30% des ventes du numéro un mondial.
Ce phénomène explique la prolifération des médicaments à succès. « En 1988, relève Ernst R. Berndt, professeur au MIT à Boston, il n’y avait qu’un seul blockbuster, le Zantac de GlaxoSmithKline. En 2000, il y en avait 17, et en 2006, 105. » Grâce aux multiplications d’indications thérapeutiques et aux reformulations, les laboratoires peuvent obtenir des extensions de brevets, voire un nouveau brevet. L’enjeu est tel que les plus grands laboratoires dépenseraient près de la moitié de leur budget de recherche et développement pour trouver de nouveaux débouchés à leurs anciennes molécules. Au total, près de 25 milliards de dollars sont consacrés chaque année à ces recherches et aux essais cliniques. Une somme qui reste cependant sans commune mesure avec ce qu’exige le lancement d’une nouvelle molécule.
« Reformuler une molécule et trouver de nouveaux champs d’application coûte bien moins cher à un laboratoire », explique Eric Halioua, Senior Manager chez Arthur D. Little. C’est aussi moins risqué puisqu’ils ont déjà obtenu une première autorisation de mise sur le marché de leur produit.
- cabinet conseil américain Décision Ressources.