Au fond, le rugby n’est pas davantage épargné que les autres sports d’envergure internationale par les grands courants d’influence ou par les grandes problématiques contemporaines. Derrière la mêlée se sera longtemps dissimulée la politique, avec des précautions qui n’avaient souvent d’égales qu’une certaines hypocrisie ambiante.
Mais les choses ont bien changé désormais. En se professionnalisant au pas de charge, le rugby s’est mondialisé à sa façon.
Il est devenu beaucoup plus sensible aux lois du marché, beaucoup plus aseptisé également du point de vue politique. Certains commentateurs le perçoivent encore comme un lieu de conservatisme aux traditions souvent surannées.
Toutefois, les vieux ressorts tendent à s’émousser. Le temps n’est sans doute plus très éloigné où les joueurs noirs seront en majorité dans l’équipe nationale sud-africaine. Les joueurs néo-zélandais s’exportent aujourd’hui en masse. En France, l’une des meilleures équipes de club de ce sport réputé indéfectiblement machiste, le Stade français, n’hésite pas à arborer un maillot rose ou à fleurs.
Les traditions s’évanouissent lentement et, s’il est vrai que les valeurs classiques demeurent, l’idéologie affichée ou sous-jacente qui les environnait jusque-là tend à s’estomper. En se modernisant et en se mondialisant, le rugby est en train de perdre la dimension politique qui faisait sa spécificité. Faut-il s’en plaindre ou s’en réjouir ?
« Politique Internationale » n°116 – été 2007 Par George Ayache
