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Le défi européen selon Otto de Habsbourg

Un mot du personnage avant de lui laisser la parole par extraits : il est le fils de l’empereur Charles 1er, altesse impériale et royale, héritier de la maison d’Autriche, né le 20 novembre 1912, exilé en 1919, naturalisé allemand en 1978 pour se présenter aux élections européennes, élu de 1979 à 1999, et président de l’Union paneuropéenne… Cinquante ans après la signature du Traité de Rome, ce prince démocrate, témoin historique en même temps que tête politique dresse le bilan de la construction européenne et évoque ses perspectives d’avenir.

Il y semble y avoir quelque chose de quasi ontologique pour un Habsbourg de penser l’Europe, de la façonner comme une sculpture, de la bâtir comme une maison… Il parle l’allemand et le hongrois, mais aussi le français – langue de sa mère l’impératrice Zita – l’anglais, l’espagnol, l’italien et le croate. Il connaît parfaitement cette histoire dont il se détache volontiers, il a vécu les moments forts du dernier siècle. Il nous raconte le Palais-Bourbon du 6 février 1934 comme si on y était ; il éprouve du respect pour Blum et une vive admiration pour Mandel. Quittant Berlin à l’arrivée du Fürher à la Chancellerie, il fut menacé de mort.

« Passion d’Europe », « l’Europe mal-aimée », « les atouts économiques », « les grands hommes disparus », « le couple franco-allemand », « l’Europe énergique », « reconstruire l’union », sont autant de sujets abordés dans ce volume. Il est à quatre vingt quinze ans plein d’une passion juvénile pour l’Europe. Quelques morceaux choisis de sa conversation avec Jean- Paul Picaper qui a bien plus de relief que ne le laisse supposer à première vue le titre (« le nouveau défi européen ») aux consonances post-schreiberiennes :

« Le présent et l’avenir sont en nous. Le passé ne nous appartient plus. Je m’intéresse à l’histoire, mais autant qu’elle est utile à la programmation de la politique. Je m’en tiens à la parole de Nietzsche : ’’nous voulons servir l’histoire pour autant que celle-ci serve la vie’’. »

Il explique que le refus français du projet de Constitution en 2005 était prévisible. Les gouvernements ont appesanti le travail de Valéry Giscard d’Estaing avec une commission de 106 personnes : « une centaine de chefs se bousculant dans une même cuisine ne sauraient composer qu’un exécrable repas. » Mais nécessité faisant loi il faudra remettre tout à plat : un nouveau projet, plus simple, plus accessible, plus légitime donc, car la loi la plus efficace et la plus légitime est celle qui est connue et comprise par le plus commun d’une société. Les lois ne servent à rien si elles sont créées pour contenter les élites et les intellectuels.

Ravi de l’arrivée de la Roumanie et de la Hongrie, ulcéré par le rejet méprisant de la Croatie, il entend que nos futures frontières soient définies à l’aune d’un certain « droit à l’Europe » précisé par l’Histoire même et la culture des nations. Il se prononce ainsi contre l’intégration de la Turquie, dont la vocation est de favoriser un colloque avec l’Islam. Même distance pour la Russie « le dernier grand empire colonial sur cette planète »…

« Je suis convaincu que le jour qui clôt la vie d’un homme est le plus important de tous. (…) c’est le jour où nous passons en jugement devant le Tout-puissant. Celui-ci ne vous demandera jamais si vous avez été victorieux ou perdant. Il voudra savoir si vous avez toujours agi selon votre conscience et selon ce que vous considérez être votre devoir. Cette vision de l’avenir confère une indépendance considérable. »

Bref, c’est une conversation pas un cours… mais la philosophie qui en émane est bien aussi précieuse que les traités de science politique.

Otto de Habsbourg, Le nouveau défi européen, conversations avec Jean-Paul Picaper, Fayard, 2007

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