Certes, le patriotisme n’est plus une valeur à la mode. Néanmoins, de multiples indices prouvent que l’attachement à la France peut prendre des formes plus subtiles, du goût pour le patrimoine à la fierté devant une prouesse scientifique ou technologique française.
En 2005, un analyste pro-européen comme Pierre Nora était parvenu à la conclusion que la victoire du non, lors du référendum sur la Constitution de l’Union, s’expliquait en partie par le fait que « la relation des Français à la nation n’aurait pas été suffisamment prise en compte ».
« Une nation est une âme, un principe spirituel », affirmait Renan il y a plus d’un siècle. Cette définition reste-t-elle pertinente, s’interroge Alain Finkielkraut, alors que la réalité française a été passablement bousculée, depuis 30 ans, entre construction européenne, mondialisation et multiculturalisme ? « Dans quelle communauté, précise le philosophe, faut-il que les hommes vivent ? Dans une patrie charnelle ? Dans une France désencombrée de la francité ? Dans un espace polymorphe, sans identité assignable ? » L’ironie, on l’aura deviné, se dissimule à peine derrière ce questionnement. Fils d’immigré, Alain Finkielkraut ne cesse de proclamer ce qu’il doit à la France et à sa culture, et l’on sait les combats qu’il mène contre la déculturation provoquée, malheureusement, par l’institution scolaire elle-même.
Chaque samedi, au court de son émission de France Culture, « Répliques », l’écrivain arbitre des confrontations qui sont autant de moments de liberté d’esprit. Seize de ses dialogues (touchant tous à la définition de la France) ont été rassemblé ici. Tout l’art d’ Alain Finkielkraut est de pousser les intervenants dans leurs retranchements. Du trotskiste Daniel Bensaïd au libéral Pierre Manent, du gaulliste Paul-Marie Coûteau à l’inclassable Richard Millet, ils sont cependant trop différents pour que la maïeutique du maître d’œuvre suffise à donner une cohérence à l’ensemble.
N’ont pas le moral… les intellectuels…
Lettre ouverte à M. Alain Finkielkraut.
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Monsieur,
Vous souvenez-vous de ce professeur de français qui, au Maroc, nous a initiés à la dissertation ? Peut-être n’étiez-vous pas parmi nous là-bas mais vous avez dû en entendre parler tant sa réputation a été grande ?
Mlle Rosenstiel nous traitait de « petits salopiauds » quand nous ne suivions pas ses recommandations, nous les « enfants de la République, à l’école de la République », au lycée français.
Elle nous disait que nous étions « l’avenir de la France, l’avenir de sa langue et de sa culture », que « la République ne souffrant pas la médiocrité » nous devions « nous élever à la hauteur de notre rôle », que nous n’avions « aucun droit de mal faire » ou, pire, mal nous comporter puisque nous étions « l’élite », que nous serions « demain, les gardiens mais surtout les transmetteurs, les ambassadeurs de la culture française ».
Eh bien, figurez-vous (si, n’étant pas des nôtres, vous ne pouvez vous en souvenir – étant précisé que ceci se passait dans un Lycée de garçons de la Mission culturelle française au Maroc, lequel au terme du Protectorat venait de recouvrer son indépendance sous forme de Royaume ; étant souligné que nos classes comptaient plus de quarante lycéens à raison de deux tiers de Marocains, moitié de confession musulmane, moitié de confession israélite, et un tiers d’européens, dont la moitié de Français) que ça marchait : les mouches volaient dans sa classe, sans être inquiétées !
Mlle Rosenstiel qui ainsi tour à tour nous réprimandait et nous flattait était estimée : elle inspirait un grand respect à ses élèves qui tous tentaient de se surpasser ; elle n’était jamais chahutée.
Elle était pourtant intraitable avec nos erreurs et, pire, nos fautes.
« Les prémisses de votre raisonnement sont fausses… vous avez il est vrai bien rédigé votre dissertation mais elle vaut zéro !
« En math’, le prof vous explique qu’un problème correctement posé est un problème résolu : vous le constatez lors des exercices, vous acceptez la sanction.
« En français c’est pareil… si les prémisses sont fausses, votre raisonnement, votre dissertation ne vaut rien. Mais là vous paraissez surpris. »
Et elle lisait alors à haute et intelligible voix le devoir de l’un de nous puis expliquait en quoi « les prémisses… étaient fausses ».
Mlle Rosenstiel était non seulement respectée en toute amitié par nous ses élèves mais aussi par l’administration, qu’elle appelait aussi de tant à autre, dans notre jargon lycéen, « la ch’trass », c’est-à-dire le proviseur (« le protal »), le censeur (« censif »), le surveillant général (« surgé »)…
Elle était cependant enviée, même jalousée par les autres professeurs qui paraissaient éprouver un malin plaisir à écorcher son nom. La ch’trass et nous ses élèves l’appelions tout naturellement comme elle le souhaitait « Mlle Rose-En-Ciel » tandis que les profs (souvent « des pathos » : Français arrivés de fraîche date au Maroc) prononçaient « Rozenne-Style » ou, pire, « Rozenne-Ch’telle »… parce qu’elle était juive, et qui plus est pratiquante comme nous le disaient nos copains qui étaient ses voisins.
« La République c’est la laïcité » martelait-elle pourtant fréquemment : « vos préférences culinaires inspirées ou imposées par votre religion, c’est pour la maison, pas pour l’instruction publique, pas au lycée ! »
« La religion, c’est fait… (insistait-elle) essentiellement… pour plus tard, pour les rencontres matrimoniales. Vous vous marierez dans votre rue… que vous viviez en médina (le quartier des Marocains musulmans), au mellah (le quartier juif) ou en ville (la ville européenne, le quartier des autres, majoritairement chrétiens)… ainsi vous serez heureux.
« C’est fait pour ça la religion… le mariage… ça ne donne aucun droit dans les études… ni d’ailleurs dans la vie… ça n’apporte rien ni en math’ ni en dissert’. Si les prémisses de votre raisonnement sont fausses, quelle que soit votre religion, votre dissertation vaut, vaudra… « la bulle » (zéro).
Aurait-elle écrit « prémices » ? A dire vrai, je ne me souviens pas de l’avoir vue écrire au tableau quoi que ce soit : pour elle comme pour nous, grâce à l’instruction publique, le vocabulaire, la grammaire, l’orthographe, c’était acquis.
Pourquoi donc ce long rappel, Cher Monsieur ?
Vous recevez dans votre émission « Répliques », le samedi matin sur les ondes nationales de « France Culture », des invités soigneusement sélectionnés, pour la plupart des universitaires toutes et tous titrés, et vous étonnez souvent ensemble du délabrement intellectuel de, tour à tour, nos élèves, collégiens, lycéens ou étudiants et notre société.
Vos invités ou vous-même ne manquez pas d’observer que ceci est désastreux dans un pays comme la France, calamiteux dans une démocratie telle que notre République, sans même aller jusqu’à mentionner notre appartenance à l’Union européenne, « notre vieille Europe ».
C’est ici que votre dissertation ou plutôt votre discussion mériterait la « bulle », dans le référentiel de Mlle Rosenstiel : les prémisses en sont fausses !
La culture française, la démocratie française, la République française sont, que nous le voulions ou pas, du passé. Depuis près de 50 années, le régime politique de la France, la Corse et l’Outre-mer (ce qui nous reste des frontières françaises pourtant héritées en même temps que culture, démocratie, république), ce régime n’est plus une démocratie, encore moins une république mais une « démocrature », un régime dirigiste devenu progressivement mais pleinement totalitaire, aux apparences démocratiques et républicaines.
Et l’Union européenne est (ou était ?) elle-même, aussi, un « système démocratorial », ayant été totalement pensée, construite et pratiquée sur le modèle ô combien démocratique et républicain de l’ex Union soviétique.
Quant à la religion, en régime laïc, elle ne donnait « aucun droit », aucune autorité culturelle dans l’espace public pas plus que dans les études.
Et, s’agissant de vos invités, ils paraissent nager dans leur bulle intellectuelle, déconnectés de la quotidienneté.
Dès lors que cet état de fait serait parmi les prémisses de vos conversations, celles-ci résonneraient bien différemment : vous ne seriez plus surpris par le délabrement de tous les enfants et de l’essentiel des adultes français de moins de cinquante ans !
Vous savez bien, en effet, le tort que font à leurs peuples les régimes totalitaires : ils les ruinent intellectuellement et matériellement, ils les réduisent à la misère (excepté une petite « nomenclature » d’essence maffieuse).
Vous savez bien aussi que la culture est captée, enchaînée ou, plus subtilement, domestiquée par les systèmes totalitaires. Ces régimes préfèrent, et imposent finalement, l’unisson à la diversité des points de vue, la police de la pensée unique au désordre de la contradiction, les médias dociles et propagandistes aux vecteurs libres de la pensée, le nivellement par le bas, la calcification des cerveaux, la résurgence des pratiques religieuses et la frénésie de consommation pacifiée à l’élévation des idées et au déchaînement des passions, lesquelles ont pourtant fondé les civilisations et entretenu leurs cultures.
Telle est la réalité crue du régime qui nous gouverne, la réalité de ce « système diarchique socialo-gaulliste » qui depuis un demi-siècle lamine et détruit tout mais, chut ! continuons de feindre…
Malheureusement ou non, je n’ai pas l’autorité… naturelle de Mlle Rosenstiel ni ne vous inspire bien sûr la crainte… respectueuse qu’elle irradiait, pour « vous mettre une bulle »… n’étant qu’un parmi vos nombreux auditeurs.
Je tenais simplement à vous faire observer en toute compassion en quoi, de mon point de vue inspiré par mon instruction… passée, vos discussions quoique intéressantes et distinguées, dans le misérable brouhaha ambiant et émanant des chaînes publiques de Radio France, sont sur l’essentiel critiquables : les prémisses en sont fausses.
Avec mes meilleurs sentiments,
PauLo.
http://www.enfiniraveclesocialog...
Merci à vous Paolo, de votre réaction si argumentée. Nous croyons sur ce blog que la question de « qu’est-ce que la France » est encore aujourd’hui une question à poser, elle a dans l’histoire aider le peuple français à s’unir autour de valeurs universelles et transcendantes – liberté, égalité, fraternité – à amorcer des choix de société, et à chaque fois qu’on a refusé de se la poser, la France a reculé et avec elle une certaine idée de l’individu, des peuples et de la culture. Le patriotisme français réside dans la question plus que dans les nombreuses réponses que l’on peut lui apporter. Merci de votre message.
Pensez-vous qu’en faisant demander à la Commission Balladur d’abroger l’article 88-5 de la Constitution (qui obligerait à un referendum pour approuver ou non toute nouvelle adhésion à l’Union européenne) le nouveau Président voudrait éviter de demander au peuple français (qu’il saurait opposé) de se prononcer sur l’adhésion de la Turquie et ainsi faciliter l’arrivée de celle-ci ?
N’avait-il pas dit le contraire avant l’élection présidentielle ?
La famille « recomposée » érigée en modèle politique.
Un nouveau modèle s’est imposé qu’on appelle singulièrement « la famille recomposée » où sont regroupés pères, mères, beaux-pères, belles-mères, compagnons et compagnes avec les enfants de tel et telle.
Ce modèle, où chacune et chacun ont frayé, se sont accouplés puis séparés à un moment, est donné en exemple d’une cohabitation harmonieuse.
Les gouvernants socialogaullistes – qui semble-t-il le pratiquent dans leur vie privée – nous l’imposent dorénavant comme « modèle politique », tant en politique intérieure qu’à l’international :
On est désormais « allié à tout le monde » !
o La grande fratrie de l’européisme et du mondialisme apatrides, où tout le monde, bien sûr, trompe tout le monde !
o Une nationalité galvaudée partagée avec une autre voire plusieurs autres… au gré des intérêts individuels.
o Un peuple sans plus aucun « affectio societatis », où la triche est devenue la valeur commune, où la violence est désormais nommée incivilité !
Belle "réussite" des politiques socialo-gaullistes, n’est-ce pas ?
http://www.enfiniraveclesocialog...
La France est en faillite par les agissements mafieux des financiers qui la contrôle ainsi que le monde politique, économique, bancaire, formant une civilisation mondialiste égocentrique aux pratiques méprisantes envers la nature, les peuples, les sociétés, la diversité culturelle et écrasant le plus faible. Belle mentalité que ces ‘humains’ qui n’ont que de Dieu, leur porte-monnaie. Leur règles sont communes et se construisent grâce aux lois planétaires, retours sur investissements, fonds de pension, opa, délocalisations, création de valeurs, avec la complicité des directeurs financiers, des drh minables, des touches à tout de la finance, professeurs de pacotille, faiseurs de morale en tout genre, c’est trop facile Messieurs, quand ce sont des logiciels qui travaillent pour vous, mais le Monde vous le rendra…Bientôt la crise du pétrole et plein de mauvaises choses arrivent maintenant !
pour les non initiés, voyez leur basses oeuvres :
http://www.iafei.org par exemple…
Cher Gaulois, si on vous lit c’est lapocalypse ! doit-on clouer aux piloris les intellectuels qui réfléchissent encore sous prétexte qu’ils vivent avec nous dans le même monde que nous ? Constater les dysfonctionnements d’une société voire d’une planète entière n’exonère pas de chercher – et de trouver – leurs progrès, d’essayer de penser autrement, Alain Finkielkraut n’est pas LA piste mais bien UNE piste et quelle piste ! Avec la mondialisation il faudra créer d’autres règles de régulation financières et économiques mais la mondialisation n’est pas l’ennemi c’est notre nouvel environnement économique. Elle a notamment l’avantage de diffuser la démocratie, la question de l’environnement est dans tous les esprits – à défaut d’être dans toutes les actions humaines – grâce à la mondialisation. A nous de tirer le meilleur du « rétrecissement » mondial pour agir pour les peuples et la planète. Merci pour le débat.
Merci pour ce post salutaire, et longue vie a Alain Finkielkraut, qu’il continue d’assener sa verite, meme si elle derange parfois.
Bon, là, assez parlé! quand est-ce qu’A. Finkelkraut va enfin passer à l’action, et lever une troupe de volontaires pour défendre le poste avancé de la civilisation chez les barbares?