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La tyrannie de la pénitence – Essai sur le masochisme occidental de Pascal Bruckner

Dans la « Tyrannie de la pénitence », Pascal Bruckner observe la permanence de cette propension typiquement européenne à s’accuser du pêché majeur, à se désigner comme le seul coupable de ce qui arrive, à reprendre à son compte le poids d’une faute qu’on ne supporterait pas de voir porter par d’autres.

Il y a presque 20 ans, l’empire des soviets finissait à peine de s’écrouler, Pascal Bruckner s’interrogeait dans son essai « la mélancolie démocratique » sur cette disparition de l’ennemi majeur, qui avait l’avantage de donner aux démocraties une certaine conscience d’elles-mêmes. Privées d’adversaire, elles ressemblaient à ces gros enfants gâtés qui n’ont plus de goût à rien, elles n’avaient d’ailleurs pas fait grand-chose pour hâter la chute de l’ennemi. Bruckner se demandait alors qui serait le successeur désigné pour tenir le rôle du diable, évoquant au passage l’hypothèse de l’islam intégriste. Seize ans plus tard, on connaît la réponse : l’hypothèse de l’islam intégriste est devenue une réalité de fait. Mais aucun rideau de fer ne nous sépare de tous ceux qui rêvent de châtier l’Occident au nom d’Allah ; s’il y a bien un face à face, celui-ci est étrangement brouillé, transversal, hybride et l’on voit bien, à la vue de l’échec américain en Irak, combien mener la guerre au terrorisme peut se révéler un piège mortel. Est-ce pour autan qu’il faut jeter l’éponge ? Evidemment non. Dans la « Tyrannie de la pénitence », Pascal Bruckner observe la permanence de cette propension typiquement européenne à s’accuser du pêché majeur, à se désigner comme le seul coupable de ce qui arrive, à reprendre à son compte le poids d’une faute qu’on ne supporterait pas de voir porter par d’autres. Ce masochisme dont Bruckner avait écrit l’anatomie normale dans « le sanglot de l’homme blanc » (1981), on le voit aujourd’hui comme triomphant fort du talent américain à se rendre haïssable comme il ne l’avait jamais été.

Pascal Bruckner a reconnu le mal de notre époque et cherche à comprendre un paradoxe : « le monde entier frappe à la porte de l’Europe, veut y prendre pied au moment où cette dernière macère dans la honte de soi. ». Son constat rejoint celui que dressait l’an dernier Jacques Julliard, figure de la gauche sociale-démocrate : « nous ne nous aimons plus, voilà la chose. Comme si l’âme collective de la France, ce mythe nécessaire était en train de se dissoudre. ».

Ainsi donc, le monde entier nous hait et nous le méritons bien : telle est la conviction d’une majorité d’Européens et a fortiori de Français. Depuis 1945, notre continent est habité par les tourments de la repentance. Ressassant ses abominations passées, les guerres incessantes, les persécutions religieuses, l’esclavage, le fascisme, le communisme, ils ne voient dans sa longue histoire qu’une continuité de tueries qui ont abouti à deux conflits mondiaux, autant dire à un suicide enthousiaste. A ce sentiment de culpabilité et de remords une élite intellectuelle et politique donne ses lettres de noblesse.

Dans cette rumination morose, les nations européennes oublient qu’elles, et elles seules, ont fait l’effort de surmonter leur barbarie pour la penser et s’en affranchir. Et si la contrition était l’autre visage de l’abdication ?

Une réponse de “La tyrannie de la pénitence – Essai sur le masochisme occidental de Pascal Bruckner

  1. Luc

    Bon livre en effet!
    Et pour un prochain livre du mois, on peut recommander "Un si joli petit monde", d’Isabelle Saporta, paru en octobre 2006 aux éditions de la Table Ronde (16,50 euros).
    Il s’agit d’un ouvrage écrit par une étudiante en thèse, qui consacrait ses recherches aux mouvements altermondialistes, ou alter-autre-chose, et en a eu tellement assez de voir l’opacité et le manque de démocratie dans ces mouvements qu’elle a décidé d’en faire un livre, dénonçant tout à la fois la conjuration des égos, les manipulations médiatiques, l’instrumentalisation des causes au profit des stars et des "alter-dirigeants".
    L’écriture ne cède pas au sensationnel, on sent un langage parfois un peu théorique, mais le tout vaut le détour!

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