La Turquie n’est pas européenne. C’est un fait géographique, historique, culturel et religieux. L’Union Européenne s’est construite sur trois piliers symboliques représentés par Athènes, Rome et Jérusalem. La géographie installe la Turquie en Asie pour 95% de son territoire. L’histoire la trouve plus étrangère encore à l’Europe. Deux courants historiques ont, tour à tour, baigné notre continent.
Le premier fut après la romanité, l’union dans la foi, une union saccagée par les guerres de religion.
La deuxième fut l’idéale du progrès venue des lumières, saccagé lui, au XXème siècle par la guerre des idéologies.
A ces deux courants, la Turquie est étrangère.
Les « non » de la Turquie :
Les Européens sont attachés à une conception « universelle » des droits de l’homme, héritée de la culture chrétienne, la Turquie la refuse explicitement (Déclaration du 16 juin 2004 à la Conférence islamique des ministres des affaires étrangères).
Les Européens croient en l’égale dignité de l’homme et de la femme, la Turquie ne la reconnaît que d’une manière purement formelle. Les Européens ont fait de la liberté religieuse et de la liberté de conscience le pilier de leurs institutions : la Turquie a été condamnée par la Cour des droits de l’homme pour violation de la liberté d’expression.
Recep Tayyip Erdogan, premier ministre turc, l’affirme (à La Haye, le 3 décembre 2004) : L’adhésion pleine et entière ou rien du tout, pas de scénario alternatif comme un partenariat privilégié, pas de reconnaissance de Chypre, pas de reconnaissance dans la responsabilité du génocide arménien…
La Turquie est un pays d’une laïcité particulière, puisque le kémalisme y a fait du sunnisme la religion officielle, elle refuse la liberté religieuse aux minorités. Ces règles de droit, les mœurs et les rapports entre les sexes sont profondément marqués par l’islam. La Turquie est en conflit latent avec tous ses voisins. A cause des règles constitutionnelles européennes, elle deviendrait en raison de son poids démographique, le principal décideur de l’Europe.
L’Europe qui se construit est destinée à devenir une réalité politique. Or il n’existe pas d’identité politique sans un minimum d’identité culturelle et religieuse commune.
Seules des nations désireuses de vivre ensemble, dans la prospérité comme dans l’adversité peuvent bâtir en commun un projet d’avenir.
L’économie forme un lien solide, en aucun cas un arbre de vie.
La Turquie dans l’Union comme le demandent certains est une solution, mais pas dans la communauté. Par contre ce serait abandonner la construction d’une puissance européenne, pour la plus grande joie de la Grande Bretagne et des Etats-Unis qui poussent à l’adhésion turque par intérêt stratégique, l’Europe deviendrait un simple marché économique.
Et s’imaginer que l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne puisse susciter la sympathie des Arabes est faire preuve d’inculture politique majeure.
Mais c’est aussi la peur d’un choc des civilisations (et l’espoir de le conjurer), qui inspire certains (dont Jacques Chirac) d’allier à notre camp l’islam turc.
Qu’en sera-t-il dans 10 à 15 ans de cet islam « modéré » mais renaissant ? Le pari vaut-il de sacrifier une certaine idée de l’Europe… ! L’esprit de Munich n’a jamais conduit à la paix.
S’obstiner à vouloir, à tout prix, l’entrée de la Turquie dans l’Europe et sans le consentement des peuples, n’est-ce pas le plus sûr moyen de torpiller l’Europe politique.