On peut situer dans les années 70, le basculement de l’Europe dans la résignation face à une croissance molle et un chômage fort, choix apparemment inéluctable imposé par la contrainte extérieure et, au premier chef, par la mondialisation, relayée par les institutions internationales.
Cette rupture historique initiée en Grande-Bretagne par Margaret Thatcher, en réaction à l’arrogance des syndicats et relayée aux Etats-Unis par Ronald Reagan, a été paradoxalement, en France, le fait d’un pouvoir socialiste, quand François Mitterrand, après l’échec spectaculaire de sa tentative de « socialisme réel dans un seul pays », a viré brusquement de bord, se ralliant à l’option tout aussi doctrinale d’un franc trop fort, de la désinflation compétitive et d’une contrainte européenne aveugle, concrétisée par les critères de Maastricht.
Peu après, la chute du système soviétique a semblé enterrer définitivement la possibilité d’un « autre modèle ». On peut estimer que cette pensée politique s’est mise en place à la fois par faiblesse, par peur de paraître anti-européen et par le jeu d’une insidieuse pression sur les intellectuels, obligés pour survivre de passer sous les fourches caudines des bailleurs de fonds (universitaires sous payés courant après les contrats, écrivains en mal d’éditeurs, intervenants opportunément infiltrés par les médias…).
Les dirigeants de la vieille Europe donnent l’impression de s’accommoder d’une croissance molle qui conduit inéluctablement au recul de l’Etat et à la privatisation des services publics. Ces politiques ont entraîné l’accumulation d’une dette insupportable, fruit du laxisme des gouvernements successifs depuis trente ans, en France notamment, avec une acceptation malheureusement unanime. Il faut avec courage changer de cap.