« …L’innovation est de plus en plus liée à un dialogue étroit entre chercheurs et producteurs. Pour les auteurs, les décisions individuelles des industriels sont collectivement destructrices de ce qu’ils appellent les « biens communs industriels », stratégiques pour l’avenir de la compétitivité du pays et le bien-être de ses habitants. Les recherches économiques prouvent que les délocalisations ont permis aux entreprises de développer considérablement leur chiffre d’affaires, et donc d’accroître aussi l’emploi et l’activité sur le sol américain. David Yoffie, professeur de Harvard, rappelle que, dans le domaine des composants électroniques, l’apparition de sous-traitants spécialisés dans le microélectronique à Taiwan a permis le développement d’électroniciens américains sans usine, comme Qualcomm, qui n’auraient pas vu le jour s’il leur avait fallu investir les quelques milliards nécessaires pour une usine. De même Apple s’est développé formidablement multipliant son chiffre d’affaires par plus de six, depuis qu’il a arrêté toute activité industrielle, se reposant sur ses sous-traitants chinois. Sans rejet l’intérêt de « l’outsourcing » pour des activités très banalisées, les auteurs restent persuadés que le tableau se dégrade à grande vitesse. Ils en appellent donc à l’Etat pour aider à la reconstitution de noyaux industriels. Le mouvement s’est accéléré ces dernières années, avec l’émergence de concurrents locaux, comme Huawei dans les télécoms ou Acer dans les micro-ordinateurs. La réponse est en forme de défi pour les entreprises occidentales : maîtriser l’évolution de son périmètre d’activité entre ce qu’elles gardent en interne et ce qu’elles délocalisent, ce qui nécessite de voir loin, au-delà des contraintes financières trimestrielles, et aussi raisonner en termes systémiques avec le souci de maintenir un tissu industriel de proximité, ce qui suppose de voir large. Voir loin et large alors que nous nageons en plein brouillard, voilà qui ne sera pas facile et qui n’a pourtant jamais été aussi nécessaire… »
by Philippe Escande, in Les Echos, vendredi 20 novembre 2009