« …L’Assemblée générale des Nations unies a déclaré le 22 avril « Journée Internationale de la Terre-Mère » au cours de laquelle un hommage a été rendu à la Terre-Mère et au Père-Soleil. Les représentants des Nations unies ont mis sous leurs auspices une nouvelle religion de la nature, fondée sur le refus indigné du « système capitaliste » », de la « civilisation patriarcale » et de la « révolution industrielle ». Les participants responsables ont adopté un « Accord des peuples » (les peuples, c’est nous), réclamant la prise de conscience de notre relation spirituelle avec la Terre-Mère. Le projet est en route de la Déclaration universelle des droits de la Terre-Mère. Les droits sont l’apanage des êtres moraux, c’est-à-dire pourvus d’une conscience et d’une liberté, autrement dit, les humains. Ceux-ci sont dits porteurs de droits parce qu’ils sont en mesure de porter en même temps des devoirs – faute de quoi les droits n’auraient pas de sens, car qui les honoreraient ? Les droits traduisent le respect exigeant que les créatures conscientes et libres doivent aux autres créatures conscientes et libres. Ce qui ne signifie pas que nous n’aurions aucun devoir vis-à-vis des êtres sans conscience. Mieux vaudrait utiliser les mots pour ce qu’ils sont, et non pas n’importe comment, ce qui conduit à brouiller les compréhensions et à ne plus savoir qui est qui – ou qui est quoi. Vouloir accorder une dignité à la montagne, comme le faisait Aldo Leopold, c’est vouloir sciemment détruire la royauté de l’homme – soit la valeur de sa conscience et de sa liberté. Pourtant, nous devons les protéger, ne serait-ce que pour sauvegarder le théâtre de notre vie. Et à l’heure où les marias de Louisiane risquent de disparaître du paysage, pour ne citer que ce cas, on comprendrait fort bien que l’ONU ne projette par un exemple une charte de nos devoirs envers l’environnement. Ce qui serait à la fois juste et cohérent. Cette misanthropie hargne contre nos ancêtres et contre nous-mêmes, qui incite beaucoup d’entre nous à préférer les animaux à l’homme. Conférer des droits à la nature entière revient à la sacraliser, et les clivages reviendront renversés. Dans la Démocratie en Amérique, Tocqueville écrivait que les démocraties languides, terrassée par leur égalitarisme et bientôt monistes par incapacité de reconnaître les différences, deviendraient panthéistes. Mais il est inquiétant que les instances de l’ONU, qui prétendent nous représenter, couvrent cette nouveauté d’un œil attendri, et s’en fassent les porte-parole et les défenseurs. Dans le chœur de nos vieilles nations, la pratique morale et sociale est fondée sur la dignité humaine et sur les droits de l’homme… »
by Chantal Delsol, in Le Figaro, 21 mai 2010