« La violence aveugle et féroce qui prolifère aujourd’hui est un phénomène inédit. Elle possède sa propre logique, en rupture avec les visages traditionnels de la délinquance. Nous n’avons pas à faire à un simple avatar des « blousons noirs » et autres « Loulou de banlieue des années 1939 1950. Il s’agit d’autre chose, une étrange contre-culture, voire d’une « contre politique » qui prend à revers tout ce qui fait l’idéal des gens comme vous et moi. Tu aimes l’art ? Je te pète ton tableau. Tu parles convenablement ? Je cause le verlan façon rappeur. Tu adores les livres ? Je brûle la bibliothèque municipale. Tu tiens ta bagnole ? Je la fais cramer. Cette révolte contre l’ordre établi et aux antipodes de celle qu’affectionnent nos révolutionnaires en charentaises, ces snobs qui raniment « l’hypothèse communiste » pour faire genre sachant pertinemment que c’est sans conséquence aucune. La, nous parlons de la réalité, d’actes quotidiens et de la vie de centaines de milliers de personnes qui vivent désormais sous la loi de la terreur, de territoires où les flics eux-mêmes risquent leur peau. Mais il y a plus, dit Luc ferry, ces jeunes qui dévastent les valeurs « convenables » , n’en sont pas moins en parfaite harmonie avec le culte fou du sport et du fric qui domine le reste de la société. Quoi de plus admirable que le foot ce métier essentiellement physique, où les dons naturels l’emportent de loin sur le mérite, où la culture et le livre ne tiennent rigoureusement aucune place, contrairement à l’argent roi, aux supporters débiles et aux amours tarifés ? L’idéal absolu de nouveau sauvageon ! C’est bien à la sacralisation de la réussite rapide, éclatant et provisoire que nos élites communient ? … Quant à l’éthique du sport, le bémol s’impose tant les contre-exemples abonde, depuis les affaires de prostitution jusqu’au coup de boule de Sa Majesté Zidane lui-même, cet homme-sandwich que des millions de jeunes, emporté par le délire des adultes, passe et de très haut au-dessus du général De Gaulle, de Pasteur et du Christ. Face au culte de la violence, la droite et la gauche sont démunis. Les opérations coups de poing sont aussi Ben et peu efficace que la politique du cheque. Il faut se rendre à l’évidence, le Karcher n’a rien nettoyé… On préfère faire semblant, sans quoi il y faudrait une action de longue haleine et un sacré courage. Quant à la France du « care » et du « soin mutuel » vaste hospice de vieillards précoces tétanisés par la retraite, elle est debout, certes, mais comme toujours sur les freins.
Voici encore une fois le bon sens qui sort de la bouche de ce philosophe…et que bien sûr nous partageons. En sachant qu’il y a plusieurs décennies, que l’autorité est en déroute (depuis la famille à l’école et dans le territoire…) »
In le Figaro, jeudi 3 juin 2010.