Santé publique
« En matière de prévention de la récidive chez les délinquants sexuels, la médecine peut apporter quelques éléments, mais pas de solution miracle. Sujet récurrent de débat après une série de faits divers dramatiques, la question de la récidive des délinquants sexuels tend à devenir aussi d’ordre médical. « L’opinion publique, les médias et le monde politique (…) se tournent de plus en plus souvent vers la médecine pour trouver des solutions », constate l’Académie de médecine. Un groupe de travail a donc été constitué pour revoir les donnés, les comparer aux pratiques nationales et établir des recommandations.
Il n’est pas évident d’avoir une idée de l’ampleur du problème. D’après les méta-analyses (reprenant toutes les études déjà publiées à ce sujet), le taux de récidive serait de l’ordre de 14% à 5-6 ans. « Ce taux est sous-estimé, car il ne prend en compte que les récidives sanctionnées. Or, beaucoup d’évènements échappent à la connaissance de la police et la justice », précise le Pr Milgrom.
Les méthodes d’évaluation de la dangerosité d’un individu sont loin d’être fiables. Trois sont utilisées : - l’évaluation clinique non structurée, qui fait appel à l’expérience personnelle du praticien - l’évaluation structurée qui se fonde sur l’analyse de caractéristiques définies au préalable - les méthodes dites actuarielles, fondées sur l’analyse statistique, elles notent une personne sur un certain nombre de points, qui différencient les délinquants récidivistes des non récidivistes.
Expertises de dangerosité
Idem pour les traitements médicaux. Les thérapies hormonales et la psychothérapie abaissent le taux de récidive de seulement 25%. Il n’y a quasiment aucune donnée concernant les psychothérapies dérivées de la théorie psychanalytique, les plus utilisées en France, précise le rapport. « Nous n’avons qu’une capacité imparfaite pour prédire la dangerosité des sujets et pour décider lesquels d’entre eux devraient se soumettre à un traitement » concluent les académiciens.
Ils s’interrogent aussi sur les risques de complications liées aux castrations chimiques, d’autant que la prévention des récidives s’envisage pendant des décennies. « Avec les analogues de la GnRH, la perte osseuse est de 5% par an, il y a une nécessité de suivi médical », insiste le Pr Philippe Bouchard. Le rapport préconise d’abord d’améliorer la pratique des expertises de dangerosité, « en enseignant et en diffusant les méthodes actuarielles ». Il suggère aussi de définir une politique pas uniquement basée sur des moyens médicaux, et de développer la recherche. »
By Sandrine Cabut, in Le Figaro, 29 juin 2010