Tout ce qui est dit lors des précédents billets – issues de lectures allant de 2002 à 2006 – sur les méfaits de l’idéologie multiculturaliste et les modèles communautaristes, sous-entend une révolte contre le père. En effet, quand on brûle un camion de pompiers, c’est bien une façon de voir jusqu’où il est possible d’aller dans l’interdit et la provocation à l’égard de l’institution. Si l’institution, au lieu d’infliger la sanction – que chacun sait méritée – envoie les travailleurs sociaux, les prédicateurs ou les chercheurs en sciences sociales, elle ne répond pas de façon appropriée, elle capitule.
Ce qui est navrant c’est que ces faits concernent de petites quantités de gens à la marge qu’il serait facile de contenir à défaut de corriger. Mais comme toujours ces faits prennent des proportions démesurées dans notre société française incapable de penser le changement autrement qu’en termes de conservation ou de révolution. L’Etat doit d’autant plus tenir un autre discours, être ferme dans ses propos, ses analyses et ses actions et surtout ne pas démissionner ni confier les rênes à des « chefs locaux » quels qu’ils soient et quelque soit leurs intentions. De plus, on assimile trop souvent cette montée des communautarismes à un « individualisme tribal », c’est-à-dire à des choix identitaires procédant d’aspirations individuelles. Or l’attachement communautaire n’est absolument pas un mouvement de liberté. Il ne repose pas sur l’adhésion volontaire comme les groupes d’intérêt. Les organisations de type identitaire enferment leurs membres dans un cadre déterministe qui nie leur autonomie. Cela va bien plus loin que la corporation, le parti ou le syndicat. Enfin la culture nationale a toujours quelque chose de dominant mais plutôt que le voir en termes de domination ne peut-on pas le voir comme un socle de signes de connivence entre les différents individus tous avec leur histoire, leur origine, leur culture particulière ? Par exemple si l’islam est la deuxième religion de France, force est de constater que ce n’est pas l’islam qui a fait notre pays. A mettre sur le même pied d’égalité la culture nationale – avec tout le poids historique qu’il suppose – et les cultures nouvelles on risque de déstabiliser le socle de connivences. On s’est assez excusé jusqu’à aujourd’hui d’apprendre nos ancêtres les gaulois, bientôt on s’excusera de citer Racine.
« La République face aux tribus », Débat Alain-Gérard Slama et Michel Wieviorka, le Figaro Magasine, 13 avril 2002