En 2008, la France présente d’apparents paradoxes : alors que la norme antiraciste progresse et que les valeurs de tolérance s’affirment, le sentiment de fierté nationale se raffermit et l’ouverture à l’Europe et la source de profondes inquiétudes. Paradoxe ou facettes opposés d’un même phénomène ? Les opinions des Français à l’égard des minorités ethniques évoluent donc vers une plus grande tolérance. Certes, il s’agit là de déclarations verbales. Il est probable que certains Français se montrent plus favorables à l’immigration en paroles que dans le comportement. Cependant le fait même qu’ils adoptent un tel discours montrent que la norme sociale de tolérance est plus forte que par le passé. Cette évolution est parallèle à la montée des valeurs humanistes. Ce changement à l’égard des immigrés s’inscrit dans un mouvement de longue durée des systèmes de valeurs consistant à accorder plus d’importance à ce que les individus font de leur vie plutôt qu’à leurs attributs de naissance : une origine géographique, un genre masculin ou féminin, une confession religieuse, une couleur de peau, une origine ethnique….L’enquête montre qu’il existe toujours un segment de l’opinion française à la fois favorable à la peine de mort, rétive à l’évolution des mœurs familiales, craintive sur l’économique, sociale, l’Europe, et négatives sur l’immigration : la xénophobie est révélatrice de peur multiforme à l’égard d’un monde qui change et est beaucoup plus développé dans toutes les catégories qui rejettent le monde moderne….
...L'enquête 2008 permet en effet d'observer que les craintes à l'égard de l'Europe s'échelonnent des deux côtés de l'échiquier politique, à droite, craintes davantage exprimait vis-à-vis de l'identité nationale, et à gauche sur les acquis sociaux.
Dans ce contexte comment interpréter le retour en force du sentiment de fierté nationale ?… Non seulement 90 % de l’échantillon, se déclare entre guillemets fiers d’être français » (dont 39 % pour la seule réponse « très fière »), mais c’est très fort sentiment est quasi unanimement partagé…. Être français est donc avant tout perçu comme une donnée comportementale, même si la dimension d’étiquetage par les origines n’est pas exclue. Ces chiffres nous livrent donc le portrait d’une France plus ouverte, tolérante, et humaniste que ces 30 dernières années, une France qui a su articuler ces valeurs avec un fort sentiment d’appartenance nationale. Beaucoup de Français semblent aujourd’hui fiers d’une France ouverte sur le monde….. ….Se dire plus fier d’être français que par le passé et être en même temps moins xénophobe est plus tolérant n’est en réalité pas paradoxale. Pour autant cette identité paraît fragile, puisque menacée à la fois par les évolutions du monde par les segments de la société qui ne partage pas la vision majorité et donc potentiellement toujours à reconstruire. Voilà ce qu’a dit Céline Belot (IEP de Grenoble), et Bruno Cautres (cevipof-centre de recherches politique de sciences Po.)
