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Otan : Raymond Aron avait vu juste

« Le pari de Strasbourg était écrit. Il l’avait été par Raymond Aron dans Le Figaro en 1966, alors même que le général de Gaulle retirait le France de l’Otan. Raymond Aron avait prévu que l’on ne pourrait bâtir une défense européenne qu’en restaurant au préalable la confiance avec l’Amérique : le pari que fait Nicolas Sarkozy à ce sommet atlantique de Strasbourg. « Des compromis, écrivait-il le 13 mai 1966, entre les exigences américaines anciennes et les thèses françaises d’aujourd’hui ne sont pas exclu si un climat de confiance était restauré entre la France et ses alliés. »

La sécurité de l’Europe, disait la France, ne peut pas exclusivement reposer sur les épaules de l’Amérique ;; les Européens doivent construire leur propre défense pour rééquilibrer l’Alliance. Partant de là, le général de Gaulle avait rompu avec l’Otan dans l’intention de créer un choc et de réformer l’Alliance de l’extérieur. Il aura finalement fallu 40 ans pour convenir que Raymond Aron avait raison : « Nos partenaires, disait-il, ne veulent discuter de la défense que dans le cadre atlantique et ils souhaitent plus et non moins d’intégration. » Il ajoutait même ceci : « La politique française ne contribue pas à l’autonomie de l’Europe, tout au contraire, elle pousse les autres pays du Vieux Continent à une surenchère d’atlantisme. » La suite devait le confirmer.

Si l’on voulait une défense européenne, il fallait donc se rendre à l’évidence et en passer par la « réintégration ». Allions-nous y sacrifier notre liberté ? Mais alors même que nous nous étions intégrés, l’Otant nous avait-elle empêchés de faire quoi que ce soit (en Indochine, en Algérie et même en Suez) ? À aucun moment. En outre, soulignait Aron, les forces nucléaires des alliés, « meilleure garantie de la paix », ne pouvaient pas être intégrées.

Dès lors que la confiance serait restaurée, il estimait qu’ »une organisation européenne de défense insérée dans l’Alliance redeviendrait impossible », et que ce serait « la formule qui ouvrirait les voies de l’avenir ». Mais à la première condition, la confiance, il en ajoutait une seconde : que les Européens aient réellement la volonté d’organiser leur défense et qu’ils en dégagent les moyens. Or, en 1966, cette résolution, il ne la voyait guère. Le pari de Sarkozy est de la faire exister demain. Mais Aron le clairvoyant écrivait aussi : « Le jour du péril, ce sont les hommes et non pas les textes qui comptent. »

By Françoisd’Orcival, in Le Figaro Magazine, 4 avril 2009

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