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Quand l’Asie exporte ses imaginaires (1/2)

Au tournant du XXIe siècle, le Japon est devenu le deuxième exportateur mondial de biens culturels, après les Etats-Unis. Performance inattendue pour un pays introverti, souvent considéré comme un imitateur plutôt qu’un créateur, et qui, à l’inverse de l’Occident, ne considère pas sa culture comme universelle, et n’a donc jamais songé à l’exporter à travers un réseau analogue à celui des Alliances françaises, des Goethe Instituts ou des British Councils. Mais aujourd’hui, les pouvoirs publics nippons voient dans les ‘’industries de contenu’’ un pilier essentiel de la nouvelle économie qui émerge au Japon après quinze années de crise, et un vecteur d’influence internationale qui l’aidera à sortir du statut de ‘’nain politique’’ où l’a relégué sa défaite de 1945. Le Japon n’est pas le seul pays asiatique à s’affirmer ainsi sur la scène internationale. La production cinématographique indienne est la première du monde en volume.

Si son rayonnement reste limité en Occident, il est considérable dans le monde musulman, qui se reconnaît mieux dans les valeurs qu’elle véhicule que dans celles d’Hollywood.
On peut parier que les studios de Bollywood sauront bientôt, aussi bien que les sidérurgistes de Mittal, apprendre à jouer le jeu de la globalisation, auquel leurs homologues de Hongkong excellent depuis les années Bruce Lee et Jacky Chan (1970-1995).
La Corée, à coups de protections et de subventions, a travaillé à se doter d’une industrie culturelle performante, et s’en trouve récompensée par le déferlement, au Japon d’abord, puis toute l’Asie, d’une ‘’vague coréenne’’ (kanryu) à base de feuilletons télévisés – surtout des romances et des séries historiques- et d’un manhwa qui ressemble comme un frère au manga nippon.

Quant à la Chine, elle compte déjà plusieurs membres au club assez fermé des jeunes artistes contemporains dont les œuvres ont dépassé les 100 000 dollars sur le marché international ; créateurs de mode et groupes de pop y courent par milliers après le succès que certains connaîtront tôt ou tard jusque sur la scène mondiale.

Sous nos yeux, l’Asie est en train de se constituer en sphère culturelle autonome. Dans cette sphère, Bae Yong-joon, le sirupeux héros de Fuyu no sonota (‘’Sonate d’hiver’’, feuilleton coréen de 2002, diffusé au Japon en 2004-2005 avec un succès phénoménal), dame le pion à Brad Pitt ; Mickey le cède à Doraemon, le chat bleu venu du futur avec un stock de gadgets improbables qu’il ne cesse de tirer de sa poche ventrale, et Minnie à Hello Kittie !, la petite chatte blanche au nœud rose, icône mondiale de l’esthétique kawaii (‘’mignonne’’).

Ce ne sont plus les produits et les créateurs d’Occident qui y donnent le ton, mais les séries animées et les feuilletons de la télévision japonaise ou coréenne, les idoles de la J-pop (musique pop japonaise), les univers du manga et les magazines féminins nippons. Ce brassage crée une ‘’néoculture populaire asiatique’’, portée par la télévision, les DVD, les magazines et Internet.
Dans ce bazar foisonnant, la jeunesse n’est pas la seule clientèle ; les ménagères de plus de 40 ans sont aussi de grandes consommatrices, piliers des fan-clubs et des ‘’pèlerinages’’ organisés sir les lieux de tournage des dorama (feuilleton télévisé, de l’anglais drama) à succès.

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