Quel beau débat, mais la réalité est toute autre.
Avant l’élection présidentielle 2007, tous les experts comme d’habitude unanimes, se plaisaient à dire la démocratie représentative a « du plomb dans l’aile ». D’abord parce que nos représentants, pour la plupart des hommes sont peu représentatifs, ensuite parce qu’une bonne partie du corps électoral, celui qui vote pour les extrêmes étaient délibérément exclu, enfin et surtout parce que le Parlement est devenu une sorte de théâtre d’ombres. La majorité est aux ordres de l’exécutif, tandis que l’opposition s’égosille en vain.
L’heure de la démocratie participative, avec ses débats participatifs, ses jurys citoyens, et ses référendums serait peut être le remède miracle à tous nos maux.
Enfin une nouvelle étape de la décentralisation serait nécessaire et cette phase 3 de la décentralisation serait de mettre l’accent sur une nouvelle gouvernance locale, l’ancienne gouvernance n’ayant pas tenu ses promesses.
Si l’on poursuivait la réflexion sur la crise de la démocratie représentative, celle-ci regorge d’explications : repli individualiste sur la sphère privée, prétention médiatisée de groupes aux intérêts variés, que le pouvoir ne peut concilier dans l’intérêt général, nouvelle aspiration égalitaire, face à l’inégalité de plus en plus voyante de l’argent, dégoût d’une corruption toujours rampante.
L’heure de la démocratie participative serait-elle donc venue ? Au tout début, il s’agissait seulement, par la démocratie de proximité, de remobiliser les citoyens. Il semble assez logique de les consulter sur les projets qui concernent leur vie quotidienne, mais avec les propositions de constituer des « jurys citoyens » pour apprécier l’action des hommes politiques, on a semblé franchir une nouvelle étape, sous la révolution française d’ailleurs, des sections parisiennes envahissaient l’Assemblée quand celle-ci les mécontentait.
Heureusement beaucoup de voies se sont élevées pour juger de la démocratie participative de ce type-là démagogique et mère de tous les populismes éventuellement, en espérant qu’il n’y a pas de part de ceux qui la défende une volonté affirmée d’affaiblir la démocratie représentative, seule forme représentative de pouvoir, puisque élue par le peuple.
Au milieu de tout ceci, la démocratie émotionnelle que l’on vit tous les jours dans les médias quels qu’ils soient trouble encore un peu plus les esprits, affaiblit les perspectives et rend inopérant les possibilités de prospective qu’il soit de projet, de budget ou de finance. Sans oublier la disparition du débat, essence même de la démocratie, qui permet à chacun non seulement de voir ses idées s’exprimer, mais de construire une ligne future acceptable pour tous.
Fantasque démocratie d’opinion, indûment célébrée par ceux qui y voient, à tort, un progrès dans la participation citoyenne aux questions de la cité. Jamais les médias n’ont eu autant d’emprise sur la vie politique française, il n’est pas sur que cela soit une issue à la fameuse crise des élites qui éloignent le peuple de ses représentants.
Dès lors qu’un problème entre dans le champ d’une caméra, et notamment au « 20 heures », le voilà investi par n’importe quel candidat à toute élection, accapare leur discours, et pour le Parlement, écrit une nouvelle loi rapidement désuète. Cette audience du journal télévisé incite à la politique du cautère sur une jambe de bois, c’est-à-dire apprendre des mesures visibles et immédiates, souvent au détriment d’une action de long terme, plus obscure mais qui porterait davantage.
La démocratie d’opinion raccourcit notre horizon temporel et celui de l’action politique, parce qu’elle épouse les cycles de l’émotion collective. Elle exige une satisfaction immédiate, elle prime le simulacre de l’action plutôt que l’action elle-même. Dès qu’elle est satisfaite, elle se détourne et oublie, sans droit de suite. Démocratie ou démocratie d’opinion ?
Il n’en reste pas moins, qu’une bonne partie de la population française possède cette conviction assez forte que la démocratie participative s’impose à la démocratie représentative. Ou encore qu’il faut articuler les deux. Un bonne constitution, de bons règlements démocratiques, de bons règlements de collectivités territoriales, de bons élus de collectivités territoriales et de bons parlementaires permettent à la démocratie représentative de reprendre des couleurs et d’asseoir définitivement le destin des projets de citoyens et des groupes de citoyens. Il n’empêche le débat doit être restauré, il doit être sincère. Il doit également associer anticipation et écoute des problèmes. Il s’agit en définitive de faire à la fois de la prospective et de la politique autrement.