« Contribution à la notion d’individualisme.
Par comparaison avec les peuples qui ne traversent une rue que du même pas, au feu vert et dans les clous ,le vaillant peuple gaulois a quelques raisons de ne pas être trop mécontent de son individualisme.
La passion de l’indépendance qui le caractérise fait encore du citoyen français celui qui résiste le mieux à la pression normalisatrice des économistes, des juristes et des sociologues. Grâce à quoi, si indocile qu’il soit, il reste un des plus compétitifs de la planète.
La difficulté, pour ce pays que seul son état a pu maintenir ensemble, est de demeurer fidèle à son génie dans un monde où se sont de plus en plus les nations où les groupes imprégnés par des idéologies communautaires qui font la loi. Or plus l’individu se détachent de toutes les formes possibles d’appartenance, plus il se veut indépendant, plus il est vulnérable aux règles inspirées ceux qui sont soutenus par la force d’un engagement et qui dispose des moyens d’une organisation solidaire.
C’est ainsi que des conceptions juridiques et pratiques religieuses et sociales profondément étrangères à la culture et nos sociétés, mais soutenu par les groupes déterminés, transforme, contre le gré du plus grand nombre, le paysage culturel, moral, voire physique, à l’intérieur duquel chacun exerce son indépendance.
… Plus l’ individus aspire à disposer librement de soi, moins il veut vivre dans un système anarchique où il n’aurait plus les moyens de s’assumer, et plus en fait il a besoin de loi pour lui permettre de demeurer « lui-même ».
Le résultat auquel aboutirait une société d’individus idéale serait une accumulation de mesures en apparence « libérales » mais qui, sous prétexte de répondre au moindre désir de chacun, augmenterait sans limite les obligations financières, juridiques, morales pesant sur tous…
Le paradoxe est que le peuple qui est légitimement fier d’être le plus individualiste de la terre se trouve aujourd’hui menacé d’être victimes de ces contradictions.
Vouloir être totalement indépendant, c’est se condamné à être totalement dépendant du reste de la société.… »
In Le Figaro -15 juin 2011