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La FIN du JOURNALISME ?

Le modèle d’une presse d’opinion, seule garante de la démocratie et battu en brèche par le développement des médias participatifs.

La presse écrite, on le sait, est en crise. Mais de quelle crise ? Un modèle de presse prestigieux, celui des quotidiens d’information nationaux et payants, qui perd régulièrement des lecteurs et vit au bord du dépôt de bilan. Pendant que d’autres médias, d’autre modèles connaissent eux une crise de croissance : les journaux gratuits font floresse quand l’utilisation d’internet s’intensifie.

Dans la manière dont elle a pris l’habitude d’écrire son histoire, la presse s’est faite la compagne de la liberté et de la démocratie. Elle serait moins un pouvoir qu’un contre pouvoir. L’existence d’une presse d’opinion pluraliste vivante serait la garantie de la démocratie. Elle serait même en charge de son bon fonctionnement, c’est-à-dire de l’existence d’un espace public où les opinions peuvent se formuler, s’argumenter et se confronter. Or cet idéal s’est quelque peu brouillé. D’abord le financement actuel de la presse ne correspond plus aux garanties d’indépendance financière que le législateur avait prévu au lendemain de la seconde guerre mondiale. On ne sait plus très bien qui parle à travers la presse d’opinion.

Et dans le cas des journaux dits gratuits, on peut se demander si la publicité sert à financer l’information ou si à l’inverse l’information n’est pas qu’une manière d’introduire la publicité.

Ensuite si la presse est un contre pouvoir, elle est aussi un pouvoir dont elle use et parfois abuse. Ce 4ème pouvoir s’exerce selon des stratégies bien impénétrables pour le lecteur et bien éloignées de l’idéal d’indépendance par ailleurs revendiqué. L’idéal de la presse garante de la démocratie supposait une étique rigoureuse du journalisme, la possibilité de distinguer entre les faits et leurs interprétations, le respect de procédure rigoureuse.

Mais au regard de ce qui se prépare avec les nouvelles technologies, cette belle idée du journalisme sacerdoce, qu’il faudrait mener à bien au risque de sa vie, apparait brusquement obsolète.
Les journalistes et les journaux d’opinion n’existeront peut être bientôt plus, en tout cas au sens où nous les connaissons aujourd’hui. A cause des nouvelles technologies. Avec internet et les moteurs de recherche, l’information ne se fait plus du haut vers le bas, d’une élite journalistique vers un peuple dépendant et assoiffé d’une information rare et contrôlée, mais dans une capacité infinie de communication latérale de chacun avec tous.

La grande révolution de la démocratie en cours est que le citoyen trouve avec internet, l’espace et le moyen d’une liberté d’expression affranchie de tout pouvoir, et compris du pouvoir de la presse, censé l’affranchir des autres pouvoirs.

Pour mesurer cette révolution, le mieux est d’écouter ceux qui la font :

- Pierre BELLANGER, patron de skyrock parle de « l’avènement d’une culture participative, c’est-à-dire d’une œuvre contributive et collective, le passage à une société d’auteurs ».

Jean-François FOGEL et Bruno PATTINO, qui ont travaillé à construire le site internet du monde, soulignent « qu’internet génère une implacable disruption : information gratuite et des constructions, reconstruction permanente de l’œuvre collective. Tout est à rebâtir autour du seul point de référence : l’audience. Pour elle, le temps nécessaire à prendre connaissance de l’information est devenu un bien plus rare que l’information elle-même ».

Toute cela nous mène bien loin des théories classiques autour des médias de la démocratie et en fait brusquement vieillir la nostalgie, sans nous dire pour autant où il va.

Par François EWALD in Les ENJEUX – Janvier 2007.

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