Une des principales raisons de l’influence croissante des médias des masses est le succès mondial d’internet et, surtout, la création d’informations par les internautes eux-mêmes, que j’appelle les pronétaires, un terme que j’ai créé en référence aux prolétaires décrits par Karl Marx. La grande différence est que ceux-là n’étaient pas propriétaires de leur outil de travail, alors que les pronétaires ont la maîtrise des outils de création. Après la musique et les films, les nouveaux domaines qu’ils ont investis sont l’édition-presse, avec le succès des journaux enligne rédigés par des non-journalistes.
Internet change profondément depuis que les internautes ses sont approprié de nouveaux outils pour créer du contenu. C’est le web 2.0 des blogs, des wikis, des journaux citoyens, de You Tube et de Dailymotion, d’émissions de TV, de documentaires, de films, de publicités. Myspace, site global d’expression personnelle, permet de diffuser de la musique, de la vidéo, des textes et de se connecter à des réseaux d’amis dans le monde entier. Sans oublier les grandes plates-formes qui catalysent l’intelligence collaborative et que l’on appelle aussi des agrégateurs de la « longue traîne ». On passe de la société de l’information à la société de la recommandation.
Mais internet n’est pas un réseau libertaire, c’est une jungle où rôde des bandits de grand chemin, des pirates, des « crackers ». La censure et la désinformation y sévissent : des Etats bloquent des e-mails, d’autres espionnent les échanges. Et ça ne changera pas. Mais, en parallèle émerge progressivement une réaction profonde et intelligente contre les quelques puissants qui régissent les échanges informationnels dans la société du numérique en construction.
Les blogs sont des outils d’expression personnelle qui n’auraient pu passer les filtres de l’édition et des médias. Mais ils peuvent aussi être des moyens efficaces de désinformation. Des industriels, des associations subversives, des services secrets les utilisent. La comparaison, la discussion, la vérification des sources s’imposent. Nous vivons dans une société de la surinformation et donc de la désinformation. Quant à la qualité, c’est effectivement l’un des problèmes de la montée des médias de masse. Une des réponses consiste en un filtrage collaboratif des informations par des éditeurs bénévoles ou les lecteurs eux-mêmes comme c’est le cas pour les encyclopédies gratuites en ligne du type Wikipédia, ou pour Agoravox.
L’avenir d’internet et des médias de masse est entre nos mains. La responsabilisation de chacun permettra de construire le futur plutôt que de le subir. C’est à nous internautes, usgers ou pronétaires de faire évoluer cet « écosystème informationnel » dans l’intérêt de l’homme, de ses libertés et de l’égalité des chances. Je ne suis pas certain que nous y parviendrons. Mais ma modeste contribution dans le cadre de la « Révolte du pronétariat » consiste à indiquer quelques pistes à suivre pour faire émerger, de manière solidaire et collective, une société qui met chacun en relation de manière plus responsable.
Joël de Rosnay Docteur es sciences, auteur de : La révolte du pronétariat, Fayard 2006 en ligne disponible gratuitement sur www.pronetariat.com